La revitalisation de quartiers oubliés est un incontournable du développement de Montréal. Après la spectaculaire métamorphose de Griffintown au cours des dernières années, voilà que s’amorce la réhabilitation d’un tout petit secteur situé à quelques pas. Découvrez avec nous ce quartier disparu pourtant rempli d’histoire: Victoriatown.
Goose Village
Bien que l’histoire ne soit pas formelle, cette première appellation du quartier serait reliée à la chasse aux outardes. On dit que chaque automne, les autochtones installaient leur campement sur les berges de cette zone marécageuse le temps de la chasse aux outardes. Une pratique qu’ils ont été forcés d’abandonner tôt au dix-neuvième siècle car le site a été remblayé par l’accumulation des résidus de construction du Canal de Lachine.
1847-1848 – La grande épidémie
À cette époque, les bateaux transportant les immigrants venus d’Europe faisaient d’abord escale à Grosse-Île. On s’assurait de la bonne santé des passagers avant de les laisser poursuivre leur route jusqu’à Montréal. En cas de maladie, ils restaient à Grosse-Île qui était une sorte de centre de quarantaine. En mai 1847, plusieurs dizaines de milliers d’irlandais atteints du typhus y furent stoppés. Le protocole n’était pas sans faille et certains porteurs du virus ont atteint Montréal. Peu de temps après on remarque un nombre inquiétant de malades au port de Montréal et bien que l’alarme soit sonnée, l’épidémie de typhus est inévitable.
Le maire John Easton Mills fait construire dans Goose Village une zone de quarantaine de 22 baraquements. Malades et nouveaux arrivants y sont confinés afin d’éviter que cette épidémie ne se répande dans toute la ville. Malgré tous les soins prodigués par les Sœurs Grises, le typhus fait rage. Les Sœurs de l’Hôtel-Dieu et les Sœurs de la Providence viennent prêter main forte. Le maire lui-même est sur le terrain et tente d’aider de son mieux. Il contracte le typhus à son tour et meurt en novembre. Il faudra attendre mai 1948 pour pouvoir déclarer la fin de l’épidémie qui aura fait des milliers de morts et des tas d’orphelins.
Victoriatown
La construction du pont Victoria qui débute en 1854 rebaptise le quartier. Les ouvriers, des migrants, en grande majorité irlandais, s’installent dans les baraquements de la grande épidémie. Entre 1860 et la fin dix-neuvième siècle, de vraies petites maisons apparaissent faisant de Victoriatown un quartier plus permanent.
Entre 1854 et 1856, la compagnie de chemin de fer du Grand Tronc installe des ateliers de réparation et fabrication près du chantier du Pont Victoria. C’est un employeur majeur, ce qui stimule encore plus la construction d’habitations dans le secteur. En périphérie du Victoriatown original, on retrouve encore de ces maisons basses en rangées construites pour les travailleurs de Grand Tronc.
Une autre vague d’immigration vient peupler le quartier au sortir de la seconde guerre mondiale. En pleine ère d’industrialisation, Victoriatown est dans un secteur où l’emploi ne manque pas. Bien que les irlandais établis y soient nombreux, Victoriatown devient « Le » quartier Italien de Montréal, bien avant La Petite Italie que nous connaissons. L’architecture est simple: des maisons en rangée de deux étages avec à l’arrière des hangars et des cours faisant office de potager. C’est un quartier ouvrier, familial avec une vie sociale riche et animée.
1964 – La fin d’une époque
« Déposé en 1954, le rapport Dozois identifie 13 zones à considérer pour la rénovation urbaine, parmi lesquelles Victoriatown, située entre la rue Mill, la rue Bridge et l’actuel emplacement de l’autoroute Bonaventure… Suite à l’annonce de la tenue d’Expo 67, l’administration municipale vote en décembre 1962 une loi confirmant l’expropriation du secteur… » ( Source Archives de Montréal)
Cette loi mène à l’expropriation des 305 familles du quartier. En 1964, la partie habitée de Victoriatown est complètement rasée. On y construit l’Autoroute Bonaventure, porte d’entrée officielle pour l’Expo 67, et l’Autostade qu’occupera brièvement l’équipe des Alouettes jusqu’en 1970.
Vestiges du passé
Contrairement à notre article Griffintown- 5 bâtiments du patrimoine d’hier à aujourd’hui, qui présentait ces témoins bâtis d’une époque révolue, il reste bien peu de choses pour raconter Victoriatown. Le Pont Victoria bien sûr, le monument de la Pierre Noire, érigé par les ouvriers lors de construction du pont pour commémorer les milliers de victimes de l’épidémie du typhus, quelques maisons en périphérie du côté de la rue Sébastopol, et les anciens ateliers du Grand Tronc passé aux mains du CN en 1923.
Cet ancien site du CN a longtemps été comme une grande cicatrice dans le paysage de Montréal. Depuis 2005, sa revitalisation potentielle a été l’enjeu d’un grand débat entre promoteurs, citoyens et municipalité.
En 2005, le Groupe Mach en a fait l’acquisition pour la somme symbolique de un dollar. Si le CN l’a ainsi laissé aller, c’est en raison de l’opération de décontamination des sols nécessaire sur l’entièreté du site de 3 hectares.
Les acteurs du développement de ce quartier à faire revivre: le Groupe Mach, l’organisme Action-Gardien (table de concertation représentant 25 groupes communautaires de Pointe-Saint-Charles), la municipalité et des promoteurs.
Le quartier aujourd’hui
Un projet citoyen de réhabilitation d’un des bâtiments des ateliers du CN s’est concrétisé, Bâtiment 7 a été lancé le 7 mai 2018.
« On y retrouvera dorénavant un pôle alimentaire, une microbrasserie, des ateliers de menuiserie et de mécanique, un centre de divertissement pour les jeunes et, par la suite, un centre de la petite enfance de 80 places. Des services dispensés par des organismes sans but lucratif que les citoyens de ce quartier très modeste réclamaient depuis des lustres. » (Source https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1086859/batiment-7-reve-fou-autogestion-pointe-saint-charles »
À l’instar du développement de Griffintown dans les dernières années, Victoriatown va renaître également grâce au déploiement de certains projets immobiliers. Il y en aura pour tous les goûts, des condos bien entendu, mais aussi des logements abordables, et des logements sociaux. Il y aura des parcs, des commerces de proximité, tout pour ramener une vie dans cette endroit autrefois si vivant.
La revitalisation est amorcée, c’est à suivre! D’ailleurs, le promoteur Samcon vient d’ailleurs de lancer Victoriatown, un projet de condominiums dont l’architecture fait un clin d’œil historique à l’époque vivante du quartier et n’est pas sans rappeler les maisons de la rue Sébastopol. C’est le temps de réserver votre unité!