En juin 2017, L’Assemblée nationale du Québec a adopté le projet de loi n° 132 concernant la conservation des milieux humides et hydriques sur son territoire. Cette loi avait pour but de freiner la perte de milieux humides et hydriques au Québec et de viser des gains nets en la matière, en plaçant le principe d’aucune perte nette au cœur de la loi.
Malgré ses bonnes intentions, Québec est très loin d’avoir atteint ses objectifs. D’août 2017 à décembre 2022, le ministère de l’Environnement a autorisé 1331 projets en milieux humides ou hydriques et n’en a refusé que 29. C’est donc 98% des projets nécessitant la destruction de milieux humides ou hydriques qui ont été acceptés en échange d’une compensation financière. Parmi les projets autorisés, on retrouve un Costco à Sherbrooke, un concessionnaire automobile à Lévis et plusieurs maisons unifamiliales.
Un gouvernement qui ne montre pas l’exemple
D’après les observations de Claude Lavoie, enseignant en biologie à l’Université Laval, la raison derrière la grande proportion de dossiers approuvés pourrait être attribuée à la pression de toute part que subissent les analystes du ministère de l’Environnement ainsi qu’à un « manque de volonté politique ». Stéphanie Pellerin, experte des milieux humides et botaniste au Jardin botanique de Montréal, mentionne que les menaces de poursuite contre le Ministère peuvent influencer l’acceptation d’un projet. Elle déplore également des critères permettant la destruction des milieux humides beaucoup trop permissifs : « Les critères de refus sont pratiquement impossibles à atteindre. Si c’est un écosystème qui n’est pas rare ou exceptionnel, on n’arrive pas à le protéger ».
De plus, le gouvernement Legault ne montre guère l’exemple en construisant cinq maisons des aînés sur des milieux humides. Ainsi, c’est plus de 25 000 mètres carrés qui ont été détruits, ce qui a coûté plus de 850 000$ en compensation aux contribuables québécois. Pourtant, l’État devrait être le premier à mettre en pratique sa loi et à vouloir trouver une alternative aux terrains comportant des milieux humides, déplorent les experts.
Pourquoi les milieux humides sont-ils importants?
Les milieux humides et hydriques jouent un rôle essentiel dans les écosystèmes et leur pérennité est nécessaire pour protéger la biodiversité et minimiser les effets du réchauffement climatique. Ils permettent, entre autres :
- De réguler les quantités d’eau en absorbant l’excès d’eau lors de fortes pluies et en libérant lentement l’eau durant les périodes de sécheresse;
- De minimiser les risques d’inondations;
- De filtrer naturellement l’eau en la purifiant des contaminants et des polluants;
- De capter des gaz à effet de serre et ainsi d’atténuer les effets du changement climatique;
- De contrôler la pollution de l’air et de l’eau;
- D’offrir un refuge à la biodiversité végétale et animale.
Ce sont des milieux qui protègent la biodiversité, qui séquestrent le carbone, qui filtrent la pollution et qui protègent contre l’érosion des sols. Ils aident à refroidir les zones urbaines et leur destruction n’est pas sans conséquence. En effet, les milieux humides, plus spécifiquement les tourbières, sont d’importants puits de carbone et de méthane qui libèrent des gaz à effet de serre (GES) lorsqu’ils sont détruits.
Il est donc légitime de se questionner quant aux priorités du gouvernement Legault, surtout dans un contexte de lutte contre les changements climatiques. Plusieurs outils mis en place, tels que le système de compensation ne sont pas, voire très peu, utilisés. En date du 31 mars 2022, seulement 1,5M$ des 116,8M$ accumulés en compensation avaient été dépensés, soit 1,3% du montant. Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, reconnaît que la loi visant à protéger les milieux humides démontre des lacunes et mentionne vouloir y apporter des changements.
Il existe à ce jour, plusieurs outils pouvant être mis en place afin de protéger les milieux naturels. Le nouveau code de l’urbanisme adopté par la ville de Laval en est un bon exemple.